Dans cet article, on va se poser la question de pourquoi avons nous autant de différence entre le soleil pris dans la lumière visible, et le soleil filtré sur le H-alpha.
La rayonnement du corps noir et le spectre d’absorption
Par définition, un corps noir est un objet idéal qui absorbe toute la lumière qu’il reçoit et émet un spectre continu de lumière, uniquement en fonction de sa température. Plus la température est élevée, plus l’émission est intense et décalée vers les courtes longueurs d’onde (vers le bleu).
Lorsque l’on chauffe un gaz peu comprimé, par exemple de l’hydrogène, les électrons des atomes peuvent gagner de l’énergie en passant à des niveaux supérieurs. Ce gain est temporaire : lorsque les électrons reviennent à leur niveau d’énergie initial, ils émettent un photon.
La fréquence de la lumière émise est directement liée à l’énergie libérée par l’atome.
Or, dans le monde quantique, ces niveaux d’énergie sont discrets : ils ne peuvent prendre que certaines valeurs, spécifiques à chaque type d’atome.
Ainsi, un atome d’hydrogène chauffé n’émettra dans le spectre visible que sur quatre longueurs d’onde principales (il existe d’autres transitions, mais elles se situent dans l’infrarouge ou l’ultraviolet) :
- H-α : 656,28 nm (rouge)
- H-β : 486,13 nm (bleu-vert)
- H-γ : 434,05 nm (bleu)
- H-δ : 410,17 nm (violet)

Si l’on compresse ce gaz et qu’on augmente sa densité, les nombreuses collisions entre particules perturbent les niveaux d’énergie des atomes, brouillant les transitions précises.
Il en résulte l’émission d’un spectre continu : un gaz chaud et fortement comprimé se comporte alors comme un corps noir.
À l’inverse, si l’on envoie un rayonnement continu à travers un gaz moins chaud et moins dense, les atomes de ce gaz vont absorber les photons correspondant à leurs propres niveaux d’énergie.
En reprenant l’exemple de l’hydrogène, ce sont les mêmes longueurs d’onde qui seront absorbées, créant ainsi des raies sombres dans le spectre reçu.

Ces raies sombres contiennent de la lumière, mais l’intensité est beaucoup plus faible. En effet, lorsque les atomes d’hydrogène vont absorber un photon, ils finissent par le réémettre, mais pas forcément dans la direction initiale. On a donc quand mêmes des photons dans ces raies sombres, mais beaucoup moins.
Le spectre du soleil
Le soleil est composé d’un gaz chaud et compressé. Il émet ainsi, selon les lois de la thermodynamique, un spectre de lumière continu sur une bande spectrale ne dépendant que de la chaleur de son enveloppe extérieure (le soleil est un corps noir).

Il émet principalement dans la lumière visible, c’est à dire adaptée à nos yeux. Enfin, à bien y réfléchir, ce sont plutôt nos yeux qui sont adaptés à la lumière du soleil. Notre étoile possède une atmosphère, composé d’atomes d’hydrogène, de calcium, de sodium, … Lorsque la lumière émise par le soleil traverse cette atmosphère, le gaz qui la compose absorbe donc des photons sur certaines longueurs d’ondes, donnant des discontinuités dans le spectre :

Encore une fois, il y’a bien de la lumière dans ces raies sombres, mais en beaucoup plus petite quantité que le reste. Et c’est là qu’intervienne les filtres interferentiels
Les filtres interférentiels
Un filtre interférentiel est un filtre optique très spécial qui permet de ne laisser passer qu’une toute petite gamme de longueurs d’onde (une couleur très précise de la lumière) tout en bloquant toutes les autres. Il fonctionne non pas en absorbant la lumière, mais en jouant sur le principe d’interférences.
À l’intérieur d’un filtre interférentiel, il y a plusieurs couches très fines de matériaux transparents, déposées avec une précision extrême. Quand la lumière arrive sur ces couches, une partie est réfléchie à chaque interface.
Certaines longueurs d’onde vont alors se renforcer (interférences constructives) et passer à travers le filtre, tandis que les autres vont s’annuler (interférences destructives) et être bloquées.

Ces filtres sont très précis, et vont vraiment permettre de se caler sur les raies « manquantes » du spectre et les faire ressortir. On va ainsi pouvoir observer l’atmosphère du soleil sur plusieurs longueurs d’ondes.